Depuis le 09 mars 2020, le Burkina Faso compte parmi les pays africains affectés par la COVID-19. A la date du 1er mai, le pays observait 652 cas de personnes infectées dont 535 guéris et 44 décès. Ainsi, pour limiter la propagation de cette pandémie qui met à genoux le monde entier, l’Etat burkinabè a pris des mesures restrictives comme : le couvre-feu, la fermeture des marchés, des gares, la suspension des cours, etc. Ces mesures, bien que nécessaires, ne sont pas sans conséquences sur l’activité économique du pays et le quotidien des Burkinabè. Le projet º£½Ç»»ÆÞ, Å“uvrant depuis 2014 pour l’amélioration des services de santé et la prise de décision pour la planification familiale de façon spécifique au Burkina Faso, s’intéresse également à l’impact de la COVID-19 sur le quotidien des Burkinabè et l’accessibilité aux services de santé. Pour ce faire, une enquête est en cours dans les régions du Centre et de l’Ouest du pays. Par ailleurs, nous avons échangé avec certaines de nos collectrices de données (appelées enquêtrices résidentes recenseuses, ou ER) dudit projet pour en savoir plus sur leur vécu quotidien pendant cette crise sanitaire.
"Le travail d’enquêtrice résidente m’a permis de réunir les fonds pour réaliser un projet que j’ai à cœur"
Je m’appelle Fatoumata Bintou KONE, je suis étudiante en Master 2 Sciences juridiques et politiques. Par ailleurs, je suis une enquêtrice résidente du projet º£½Ç»»ÆÞ dans la région des Hauts-bassins, située à l’Ouest du Burkina Faso. Cette activité que je mène depuis novembre 2019 m’a permis d’une part, de cultiver l’amabilité dans le sens que j’ai acquis des aptitudes de prise de contact facile avec la communauté. D’autre part, ce travail m’a permis de réunir les fonds pour réaliser un projet que j’ai à cÅ“ur : la culture du sésame sur une parcelle 0,75 hectares à Bobo-Dioulasso (capitale de la région des Hauts-Bassins).
J’aime bien ce travail d’enquêtrice résidente car c’est une occasion pour moi de rencontrer des femmes majoritairement dans une situation de détresse économique mais braves. Le premier contact n’est pas toujours facile mais en majorité, les femmes que j’ai rencontrées sont aimables et ravies d’avoir l’opportunité d’échanger sur la planification familiale.
º£½Ç»»ÆÞ est un projet à pérenniser, c’est une plateforme qui permet de suivre l’évolution des pratiques et besoins en planification familiale pour orienter les décideurs sur les mesures à prendre pour l’amélioration des services de santé et de planification familiale.
L'expérience personnelle de Fatoumata Bintou KONE avec COVID-19
La COVID-19 pour moi est une maladie beaucoup stressante. Pour avoir été infectée, je sais que c’est une maladie très contagieuse. Au début, je ne prenais pas la maladie au sérieux, mais lorsque j’ai été testée positive, j’ai eu peur pour moi et pour mon entourage qui est en majorité composé de vieilles personnes. Je suis restée confinée chez moi pendant 1 semaine sans aucune assistance médicale. Puis j’ai été hospitalisée pendant plusieurs jours au Centre Hospitalier Universitaire de Tengandogo (CHU réquisitionné pour la prise en charge des cas de COVID-19) avant d’être libérée.
Résidente de la ville de Bobo-Dioulasso, je suis venue à Ouagadougou le 1ermars 2020 pour travailler avec mon directeur de mémoire sur mon avant-projet de recherche pour la soutenance de mon Master1 en Sciences juridiques et politiques. Malheureusement, j’ai été testée positive à la COVID-19 le 18 mars 2020. Maintenant, je suis guérie mais je suis inquiète de la propagation de la COVID-19 dans mon pays, car en plus de faire des ravages, c’est une maladie qui ralentie également l’activité économique du pays, ce qui n’est pas sans conséquences sur les revenus des ménages. Dans mon cas par exemple, je n’arrive plus à faire les petits boulots qui m’apportaient un peu d’argent et mes parents qui enseignent dans le privé risquent aussi de ne pas avoir de revenu à la longue.
A travers mon expérience, je sais que la COVID-19 est une réalité au Burkina Faso et j’invite la population à suivre les mesures édictées par le gouvernement et éviter les risques de contamination.
"C’est à travers les revenus des enquêtes º£½Ç»»ÆÞ que j’ai pu lancer mon commerce"
Je m’appelle Bernadette KABORE, je suis statisticienne-informaticienne de formation et commerçante de produits alimentaires que je livre dans les restaurants de la ville de Ouagadougou. Je suis également une enquêtrice résidente du projet º£½Ç»»ÆÞ dans la région du Centre depuis 2016. Le projet º£½Ç»»ÆÞ est ma troisième expérience d’enquêtes terrains. Cependant, l’expérience avec º£½Ç»»ÆÞ m’a été d’un grand intérêt dans la mesure où j’ai pu acquérir des aptitudes dans la conduite d’entretiens pour la collecte de données fiables. Par ailleurs, c’est à travers les revenus des enquêtes º£½Ç»»ÆÞ que j’ai pu lancer mon commerce.
Être une enquêtrice résidente du projet º£½Ç»»ÆÞ est une fierté pour moi. En majorité analphabètes, les femmes enquêtées sont sous le poids des pesanteurs socioculturelles et religieuses qui interdisent l’adoption des méthodes contraceptives. De ce fait, au premier contact, elles sont généralement réticentes. Mais une fois rassurées sur la confidentialité des informations données, elles sont disposées à répondre à nos questions sur la planification familiale.
De mon point de vue, º£½Ç»»ÆÞ est un projet très important dans la mesure où il contribue à l’amélioration des services de planification familiale à travers la collecte régulière de données pour orienter les décideurs sur les mesures à prendre dans ce sens ceci dans le but de permettre à la population de planifier et limiter les naissances pour le bien-être social et économique de la communauté, en particulier des femmes.
Bernadette KABORE, une victime collatérale du Coronavirus
Les premiers cas de la COVID-19 sont apparus à partir du 09 mars 2020 dans la ville de Ouagadougou. Actuellement, nous sommes à plus de 600 cas positifs au Burkina Faso. Bien que je respecte les mesures barrières contre la COVID-19, je suis très préoccupée par la propagation de la maladie. La majorité de la population ne respecte pas ces mesures et cela peut augmenter le risque de propagation rapide de la maladie dans ma communauté.
Jusque-là , je n’ai pas contracté la maladie et aucun de mes proches n’a été infecté non plus. Cependant, je suis très inquiète de l’impact de la pandémie sur le revenu de mon ménage. Je n’arrive plus à faire le commerce car les restaurants que je livrais en produits alimentaires sont actuellement fermés. Par ailleurs, les activités de mon conjoint sont actuellement au ralenti. Exerçant dans le domaine de l’industrie, la société dans laquelle il travaille a été fermée pendant deux semaines suite à deux cas de COVID-19 constatés au sein de l’administration. A la reprise des activités, les horaires ont été revus du fait du couvre-feu.
Sur les services de planification familiale, la COVID-19 peut également avoir un impact négatif. De peur de contracter la maladie, les femmes peuvent ne plus fréquenter les CSPS (Centres de Santé et de Promotion Sociale) pour les services de planification familiale. Pourtant, avec le confinement, les couples sont généralement en contact et prédisposés à avoir régulièrement des rapports sexuels, ce qui augmente donc le risque des grossesses non désirées.
Au regard de ces conséquences négatives de la COVID-19 sur notre bien-être, j’invite la population à respecter à la lettre les mesures édictées par le gouvernement afin qu’on puisse limiter la propagation de la maladie dans notre pays et faciliter la reprise progressive de nos activités.
"Je suis très ravie de contribuer à l’amélioration des services de planification familiale dans mon pays"
Je m’appelle Bibata OUEDRAOGO, j’ai une Licence en statistiques informatiques. Je suis également enquêtrice résidente du projet º£½Ç»»ÆÞ dans la région des Hauts bassins. Cet emploi partiel que j’exerce depuis 2016 m’a permis de créer des liens avec plusieurs personnes et faire des économies pour lancer mon commerce de pagnes.
Généralement, lors des entretiens, on constate au départ une réticence des femmes. Mais une fois rassurée sur l’objectif et le bien-fondé de l’enquête, elles racontent leurs expériences. En majorité analphabètes et désinformées sur la planification familiale, les entretiens à domicile sont une occasion pour les femmes d’échanger sur des sujets tabous dans la société africaine. J’ai eu la chance une fois de rencontrer le conjoint d’une femme qui était ravie de ma visite et a motivé sa femme à répondre à mes questions.
º£½Ç»»ÆÞ est un projet très important, dans la mesure où il contribue à l’amélioration des services de planification familiale à travers la collecte régulière de données sur les pratiques afin d’orienter les décideurs sur les mesures adéquates à prendre dans ce sens. Et je suis très ravie de contribuer à cela en tant qu’enquêtrice résidente.
« Je crains pour la santé de mon bébé »
Récemment mariée, je réside actuellement à Dédougou avec mon mari. A ce jour, trois cas de COVID-19 ont été constatés dans la ville depuis le 20 mars 2020. Ils sont actuellement tous guéris, mais je suis inquiète d’être infectée car j’ai un bébé de 4 mois et je crains pour sa santé. Je constate par ailleurs que la majorité de la population de la ville de Dédougou ne respectent toujours pas les mesures barrières préconisées. Pour me protéger donc, je respecte les mesures barrières comme : le port du cache nez, le lavage régulier des mains, les sorties limitées, etc.
Le respect strict de ces mesures m’a permis d’éviter la maladie jusque-là . Par contre, je suis préoccupée par l’impact des mesures restrictives sur le revenu de mon ménage. Mon mari fait actuellement sa thèse en production forestière, il devrait se rendre dans son lieu de stage à Koudougou (dans la région du Centre-ouest), mais avec la quarantaine, il n’a pas pu rejoindre. Par ailleurs, il fait la vacation dans les écoles d’élevage de Dédougou. Mais avec la suspension des cours, il est actuellement à la maison. Si la situation reste telle, il n’aura plus de revenu à la longue car il est rémunéré en fonction du nombre d’heures de cours dispensés. En ce qui me concerne, je n’arrive plus à faire le commerce actuellement car mon stock de marchandises de pagnes est épuisé mais je ne peux pas m’approvisionner, au vu de la quarantaine instaurée par le gouvernement dans la ville de Bobo-Dioulasso où je m’approvisionnais auparavant.
A ce que je sache, la COVID-19 n’a pas d’impact majeur sur l’accessibilité des services de santé. Le mois passé j’ai pu faire la pesée de mon enfant sans difficulté. Je suppose aussi que les services de planification familiale sont accessibles car les services de prestation de santé sont toujours fonctionnels.
Pour se protéger de la COVID-19, j’invite la population de Dédougou à rester vigilante en respectant les mesures barrières édictées par les spécialistes de la santé.